( 10 octobre, 2013 )

La navigation commerciale sur les grands fleuves

Les pirogues monoxyles sont les premières traces de navigation sur les rivières attestées au Mésolithique, il y a plus de 8000 ans. En voici un inventaire sur l’Europe :

http://marine-antique.net/Les-pirogues-monoxyles-en-Europe

Au 3ème millénaire avant notre ère, les navigations sur le Nil, le Tigre et l’Euphrate sont prouvées et documentées aussi bien par les hiéroglyphes égyptiens que par les tablettes cunéiformes mésopotamiennes.

Les textes d’Ebla évoquent ce sujet : la tablette ARRET 2 29 mentionne la vente de 260 moutons à Mari, depuis Harran, par Gida-Na’im d’Ebla, la transaction indique que le prix est équivalent à celui du bateau et du mât. Les Eblaïtes utilisaient le plus souvent les embarcations des Mariotes, notamment des bateaux dits « rapides ».

Les informations les plus précises proviennent des archives de Mari, vers 1800 avant notre ère. Elles montrent que différentes embarcations naviguaient sur l’Euphrate : de simples barques, des radeaux, des navires de transports de marchandises de divers tonnages en passant par des gros porteurs, qui, le plus souvent, étaient détruits ou revendus une fois arrivés à destination.
Certains, notamment les modèles égyptiens les plus anciens (voir ci-dessous), devaient être en mesure de naviguer à la fois sur les fleuves et sur mer. Les bateliers ou guildes étaient indépendants du pouvoir politique. Ils savaient fabriquer et manœuvrer leur embarcation.
La
tablette A.2407 est ainsi libellée : « J’ai fait parvenir 200 troncs d’arbres débités en planches au quai de Karkémis. 60 hommes doivent aller en amont, à Emar, à ma rencontre. Pour qu’ils réalisent leur tâche, il faut qu’un nautonier, ou quelqu’un qui connaisse l’art du pilotage viennent avec la troupe ».

La région de Tuttul était spécialisée dans la construction de barques ou de bateaux.

Sur le Nil, au Bronze Ancien, les mastabas montrent de grands bateaux de bois à fond plat manœuvrées par de nombreux rameurs occasionnellement assistés d’une voile. Vers 2780/2280 avant J.-C., certaines de ces embarcations font plus de 45 m de long et sont propulsées par 60 rameurs.

Les barques dites solaires de Khéops en sont des exemples :

http://www.lepoint.fr/actu-science/une-deuxieme-barque-solaire-a-kheops-22-06-2011-1344862_59.php

Les troncs d’arbres nécessaires à la construction de la coque venaient d’ailleurs. Le Liban, avec ses forêts de cèdres, a toujours été une source d’approvisionnement. Et puis, la réalisation de ces embarcations nécessitait des outils de bronze et donc de l’Etain. Là aussi, seul le commerce de longue distance peut expliquer les moyens mis à la disposition aux pharaons de l’Ancien Empire.

Pour le transport des pierres et des obélisques, les Égyptiens utilisaient d’énormes barges pouvant supporter plusieurs centaines de tonnes.

Hérodote nous a laissé une bonne description des embarcations du Nil vers le Ve siècle avant notre ère : « Leurs bateaux de transport des marchandises sont faits de bois d’acacia ; un arbre qui ressemble au lotus de Cyrène et dont la sève donne une gomme. De cet acacia donc, ils débitent des planches longues de deux coudées, et les assemblent comme des briques. Pour lui donner la forme d’un vaisseau, ils le traversent de longues chevilles qui attachent les planches les unes aux autres. Lorsqu’ils les ont ainsi ajustées en forme de navire, ils façonnent le pont au moyen de poutres transversales : ils ne font point de côtés pour soutenir les flancs, mais intérieurement ils calfatent les joints intérieurs avec du papyrus. Ils n’y installent qu’un seul gouvernail qui traverse la quille. Le mât est en acacia, les voiles sont en papyrus. Les barques de ce type ne peuvent remonter le courant, sauf par vent violant. Autrement elles sont halées depuis le rivage. En descendant du fleuve, voici comment on les manœuvre : au moyen d’un radeau fait de bois de tamaris tenu par une natte de joncs et d’une pierre trouée du poids de deux talents. Le radeau, attaché à l’avant de la barque, au moyen d’un câble, descend au fil de l’eau, tandis que la pierre est, au moyen d’un autre câble, attachée à l’arrière de la barque. Le courant s’empare du radeau, qui est rapidement emporté et entraîne la barque. La pierre qui traîne par derrière et racle le fond du fleuve maintient l’ensemble en ligne droite. Ces bateaux dont très nombreux sur le Nil. Quelques-uns portent une charge de plusieurs milliers de talents ».

Voilà qui est très précis : la plupart des bateaux ne savaient remonter le courant qu’en étant halés. Cette information très importante n’a pas été exploitée par nos historiens, elle justifie la mise en place de circuits privilégiés pour les bateaux de commerce de longues distances.

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