Des moulins anciens ne subsistent le plus souvent que leurs meules, réemployées pour divers usages. Aussi l’étude des moulins antiques passe par l’analyse des meules retrouvées, mais aussi par l’étude des carrières de production, appelées meulières.
Tout récemment, Samuel Longuepierre, dans « Meules, moulins et meulières en Gaule méridionale », a réalisé un inventaire des types de moulins du sud de France, ainsi que des principaux lieux de productions de meules. Il montre que l’usage des moulins à eau débute sous l’impulsion des Romains, à partir du premier siècle de notre ère. Quant au moulin à vent, il est apparu bien plus tard, même s’il est fait état, en Perse, de roues rudimentaires fonctionnant à l’énergie éolienne, dès le 7e siècle avant notre ère.
La plus ancienne mention d’un moulin hydraulique est de Vitruve, vers la fin du 1er siècle avant J.C. Ce type de moulin a permis la mutualisation de la production de farine, avec les débuts du métier de meunier.
En Suisse, les plus anciens moulins à eau ont été trouvés à Avenches. Une analyse dendrochronologique a daté une de ces constructions de la fin du premier siècle de notre ère. Il semble donc que depuis son invention, son utilisation réelle s’est diffusée d’abord là où la force du courant était la plus importante.
http://www.canal-u.tv/video/musee_archeologique_du_jura/les_moulins_hydrauliques_d_en_chaplix_et_des_tourbieres_a_avenches_suisse.8837
Auparavant, les romains utilisaient des moulins actionnés par des ânes, appelés « moulins de type Pompéï ». Car, c’est dans cette ville, figée par l’éruption du Vésuve, qu’on a découvert que chaque boulanger – il y en avait une quarantaine – mettait en œuvre son propre moulin, le plus souvent en utilisant la force des ânes. Leur usage a sans doute été diffusé par les Carthaginois, qui avaient mis au point un modèle proche, mais actionné par deux hommes. Des exemplaires ont été retrouvés à Carthage, en Sardaigne et en Sicile, à Morgantina.
Quant aux Grecs, ils avaient développé le moulin dit « à trémie d’Olynthe », qui procédait par broyage grâce à un mouvement de va et vient. 22 moulins ont été découverts dans l’épave d’un navire au large de Kyrénia, datés de la fin du 4e siècle av. J.-C. L’usage de moulins était donc courant dans le monde grec, au moins depuis le 5e siècle av. J.-C. Les meules plates, le plus souvent ovales, sont souvent les seuls indices de l’utilisation de tels moyens.
http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/geologie/d/meules-meulieres_1412/c3/221/p3/
En Egypte ancienne, si la consommation de pain est certaine dès l’Ancien Empire, la transformation du blé en farine reste un mystère. Il n’y a que dans la tombe de Rekhmiré que sont représentées des scènes de fabrication du pain : l’étape de transformation de la céréale en farine semble se réaliser par écrasement à l’aide d’un pilon. L’état des dents des momies laisse à penser qu’un abrasif était ajouté au blé pour faciliter sa mouture.
http://www.museum.agropolis.fr/pages/expos/egypte/fr/pains/index.htm
En Mésopotamie, l’ancienneté des moulins est également un sujet d’interrogation.
La transformation du blé en farine était l’affaire de chaque femme qui disposait d’un moyen manuel propre, sans doute un pilon, ou une meule à main.
Il semble que des villes situées plus au Nord étaient dotées de moyens communautaires dès le deuxième millénaire.
http://www.lefigaro.fr/sciences/2007/08/31/01008-20070831ARTFIG90071-les_villes_du_nord_de_la_mesopotamie_rivalisent_avec_le_sud.php
Jacques Freu et Michel Mazoyer, dans « Les débuts du nouvel empire hittite: Les Hittites et leur histoire » signalent que des captifs rendus aveugle étaient employés dans des moulins, en tant que bête de somme. Des courriers, maintenant traduits, relatent de fuites d’esclaves aveuglés de moulins de la résidence royale, mais aussi d’assignations d’aveuglés à des moulins de ville.
En Gaule méridionale, 3 types de meules sont attestés vers le 4e siècle avant J.-C. : des meules à va-et-vient, des meules à trémie d’Olynthe, diffusées par les Grecs, et des meules rotatives manuelles. Dans cette région, trois meulières sont connues pour avoir été actives durant l’âge de fer.
https://www.academia.edu/3584729/LONGEPIERRE_S._._Aux_environs_de_Saint-Quentin-la-Poterie_Gard_durant_l_Antiquit%C3%A9_tardive_une_micror%C3%A9gion_tr%C3%A8s_impliqu%C3%A9e_dans_l_activit%C3%A9_meuli%C3%A8re
Ailleurs en France, avant notre ère, il n’existait que des meules à usage domestique. Le moulin rotatif manuel se diffuse à partir du 6e millénaire pour certains, à partir du 2e millénaire pour d’autres, vers le 4e siècle avant J.-C. pour les derniers. Bref, on ne sait pas depuis quand. Ses meules font partie des découvertes les plus fréquentes des archéologues.
Le moulin rotatif manuel est caractérisé par l’empilement de deux formes coniques. La partie supérieure est mobile, et évidée en son centre pour permettre le déversement du grain et son écoulement entre les deux meules. L’ajout d’un bras en bois sur la périphérie supérieure externe permet la rotation manuelle.
De telles meules ont été retrouvées en abondances en Mayenne, 200 à Moulay, mais aussi à Ste Suzanne, datées du 6e siècle av. J.-C.
http://www.pays-de-la-loire.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/PanneauxExpoFouillespart3_cle25ff49.pdf
Les chercheurs se sont intéressés aux carrières antiques de production de ces meules. Voici quelques meulières antiques de l’espace celtique, en France :
- Claix-Chaumes du Vignac, en Charente ;
- « Les rochers des Balmes », la « Roche Parée » près de « La Molière » et le « Mont Vuan », à Saint-André de Boëge ;
- Les roches de Vouan, en Haute Savoie, vers Fillinges ;
- La Marèze, vers Saint Martin-Laguépie et Le Riols, dans le Tarn ;
- Les carrières de La Salle, « Les Fossottes », dans les Vosges, à base de rhyolite d’origine volcanique. La carrière semble avoir fonctionné du 5e siècle avant J.C. jusqu’à la conquête romaine. Elle produisait des meules de moulins à main, mais aussi de meules de type va et vient ;
- Un gisement de rhyolite à Turquestein, qui aurait été exploité vers l’âge du bronze.
La meule va-et-vient est la plus ancienne. Elle est aussi la plus simple. Elle consiste en un mouvement d’oscillation d’une meule mobile de forme bombée sur une autre plus plane.